L'Express du dimanche du 6 avril 1924, rapportant l'inauguration du monument aux Morts faite le 30 mars 1924.
Dimanche dernier, le bourg de Saint-Aubin, si pittoresque au-dessus de sa calme rivière, était en fête. Des multitudes de petits drapeaux éclairaient la façade des vieilles maisons serrées autour de leur clocher, et dans l'église toute remise à neuf, une décoration du meilleur goût encadrait l'autel.
A 10h, pour la grand messe, il n'y avait plus une place vide. M. le chanoine Lemoine, vicaire général, après avoir félicité M. le curé et ses paroissiens de leur zèle pour la maison de Dieu, fit resplendir dans un beau sermon la grandeur de saint Michel, dont il devait bénir une statue neuve à l'issue de la messe: il montra comment l'archange a toujours aimé notre pays et comment la France a, dans le cours des âges, répondu à cet amour. Mais la principale partie de la fête était réservée à l'après-midi.
A 2 heures, derrière le gracieux défilé des enfants qui portaient des branches de laurier, les autorités entraient dans l'église. Citons, parmi les personnalités présentes, MM. Ginoux-Defermon et de la Ferronnays, députés ; un capitaine représentant le général du 11ème corps ; M. de Bellevue, conseiller général ; M. Dauffy, conseiller d'arrondissement, et, parmi les membres du clergé, MM. le chanoine Clavier, curé de Châteaubriant, Couronné, curé de la Rouxière, ancien vicaire de Saint-Aubin. Après une cantate aux morts, chantée par les jeunes gens de la paroisse et par la voix vibrante de M. Painaoux (appartenant à la maîtrise de Châteaubriant), M. le vicaire génral Lemoine monta en chaire. Il fit un émouvant parallèle entre les poilus et sainte Jeanne d'Arc ; paysane comme le grand nombre d'entre eux, intrépide comme eux tous, elle a comme eux sauvé la France par sa mort, laissant aux vivants le soin d'achever son oeuvre de salut. C'est en effet la statue de Jeanne que Saint-Aubin a choisie pour symboliser le courage de ses héros. Elle se dresse, épée à la main, alerte guerrière de bronze sur un haut socle de granit bleu : magnifique monument à la fois chrétien et français. Quel beau spectacle, tout ce peuple rassemblé devant l'héroïne, après le salut su Saint-Sacrement, pour écouter les voix qui glorifient les 105 morts, appelés au milieu du silence comme s'ils allaient répondre à chacun de leurs noms : voix de M. Richard, maire de Saint-Aubin, remerciant les autorités et toute la population ; voix de M. Billaud, président des Combattants de Châteaubriant ; voix de M. de Bellevue, conseiller général ; voix, enfin, de M. Ginoux-Defermon, député, redisant les vertus et les exemples des chers disparus. Et maintenant que ces voix ont parlé, une autre voix continuera de se faire entendre à tous les habitants de Saint-Aubin : la voix même du monument qui incarne si bien, à l'entrée de leur pittoresque bourg, le vrai et loyal amour de la France.