- Dimanche 7 novembre 1920, inauguration du Monument aux Morts.
« Prissac. Inauguration d’un monument commémoratif.
La commune de Prissac inaugurait dimanche dernier, sur la place publique, un monument de granit à la mémoire de ses enfants morts pour la France.
Durant la messe, à laquelle assistaient, MM. Le Febvre et Fougère, députés, M. l’abbé d’Orgeval, ancien aumônier du 9e corps, chevalier de la Légion d’honneur, six citations, prononça une émouvante allocution. Le panégyrique si vibrant a profondément ému la nombreuse assistance.
Puis le clergé, suivi de la foule, se rendit devant le monument pour le bénir.
Le soir à 2 heures, inauguration officielle.
M. Beaudoin, maire de la commune, commence la série des discours par quelques paroles touchantes.
«MM., en août 1914 l’Allemagne sous prétextes mensongers et dans le dessein le plus redoutable déclarait la guerre à la France.
En novembre 1918, l’Allemagne abattue par une série de défaites et terrifiée par la menace d’un désordre irréparable, signait une capitulation sans précédent.
Les troupes Françaises rentraient alors dans les Cités délivrées de notre Alsace et de notre Lorraine. Nous avions gagné la guerre et remporté la Victoire grâce à la vaillance, l’héroïsme de nos braves soldats.
Mais quatre ans et demi s’étaient écoulés et le chemin qui nous avait mené à la Victoire était couvert du sang de nos braves Poilus. Il n’est pas une famille de France qui n’y ait laissé de longues trainées de sang. Oui, ce chemin de la Victoire a été en réalité un long chemin de Croix qui nous a mérité le triomphe final.
Au moment de la formidable ruée allemande sur Verdun ; un général parlant du merveilleux héroïsme de nos troupes s’écriait : « nos soldats, c’est à s’agenouiller devant eux ! Si vivants, ils méritaient un juste hommage, combien plus pouvons nous répéter ce cri d’admiration à genoux devant nos morts, devant la beauté de leur immolation, devant la noblesse de leur exemple ».
Ils sont tombés chefs et soldats pour la France. Chers disparus : c’est pour la France que vous avez sans hésiter, offert vos jours et brisé tant d’espoir.
La fleur de notre Nation a été moissonnée, la France a offert un holocauste de 1.500.000 de ses enfants. Leur mort nous a sauvés ; leur exemple agira sur nous. Ils ont arrosé de leur sang le chemin de la Victoire. Dieu leur a accordé la récompense de ceux qui sont tombés pour une juste cause. La Patrie les entourera d’un culte, c’est leur mort, qui nous a permis d’arriver à la Victoire, c’est pour que leur sacrifice qui nous a conduit à la gloire immortelle, nous mène à une paix féconde.
Dans ce sanglant holocauste, Prissac a eu sa large part, plus de 80 des nôtres sont tombés dans les plaines du Nord, de la Belgique ou d’Orient. Leur héroïsme nous a préservé des horreurs de l’invasion. C’est pour conserver la mémoire de ces Vaillants, que Prissac a élevé ce monument du souvenir, de la reconnaissance, de l’exemple, l’hommage de notre admiration et de notre gratitude envers ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie, pour notre salut, pour le salut de la France, pour le salut du monde entier.
Familles si cruellement éprouvées, vos fils, vos époux, ont été largement à la peine et au sacrifice, ils sont aujourd’hui à l’honneur et à la gloire. Leurs noms, hélas, trop nombreux sont gravés sur des tables de marbre, afin que leur souvenir passe aux générations futures. Inclinons nous devant ces héros, ils sont plus grands que nous. Par leur endurance, leur patience, leur confiance et leur persévérance dans l’effort, ils ont gagné les plus grandes batailles de l’histoire et sauvé la cause la plus sacrée qui soit : la Liberté du Monde.
Gloire à Eux ! ».
M. le Sous-Préfet du Blanc apporte le témoignage du Gouvernement.
M. le député Le Febvre, après avoir tour à tour exprimé l’admiration passionnée, la reconnaissance sans bornes, l’irréparable douleur et la fierté patriotique des vivants… après avoir convié les âmes immortelles des chers disparus à cette solennité, traduisit en termes émus, le suprême Conseil de la légion héroïque de nos morts et termina par cette apostrophe :
« Mes chers amis,
Ecoutons pieusement la voix de nos morts… elle s’élève cette voix des cimetières du front et parvient jusqu’à notre oreille poussée par le grand souffle des plaines… elle vous dit cette voix : « Oh nos frères… oh, vous les héritiers, non seulement de nos biens, mais aussi de notre action, vous êtes les exécuteurs testamentaires de nos dernières volontés… nous avons laissé la victoire incomplète… c’est à vous de la compléter, de la couronner dans le travail et dans la concorde… soyez notre prolongement dans l’existence !
Ne quittez pas des yeux la frontière du Rhin… Soyez forts… Gardez une armée puissante, elle seule peut écarter le spectre des guerres futures et assurer le relèvement de notre patrie… C’est, l’épée au côté, que la France doit cueillir les fruits tardifs sur l’arbre de la Victoire !... Et quand, dans les années qui viendront, vous passerez devant ces monuments élevés à notre mémoire, suspendez une seconde votre course, recueillez-vous et dite vous : « comme ils ont été unis dans la guerre et dans la mort, sachons rester indissolublement unis dans la Paix. Alors si vous écoutez notre voix, si vous suivez ces conseils, vous serez quittes envers nous, et notre bénédiction descendra sur vous et sur vos enfants en attendant l’allégresse des éternels revoirs » ».
M. Bénazet, député, prononce une vibrante harangue sur les idées de justice et de liberté mises en lumière par le sacrifice de nos soldats.
M. le Député Fougère, en quelques mots bien sentis, recueille les leçons qui découlent de cette fête : Union sacrée et amour de la France.
Après la cérémonie, M. le Maire invite gracieusement orateurs, autorités et membres du clergé à se réunir à la Mairie, où fut servi un vin d’honneur » (L’Indépendant du Berry du samedi 13 novembre 1920 page 1).